Blog d'information et de communication de l'Union Départementale des Syndicats CGT de la Santé et de l'Action Sociale du secteur Public et du Secteur Privé du département de la Manche (50)
Décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE »
NOR: IOCC0815681D
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales,
Vu le code de procédure pénale, notamment son article 777-3 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés, notamment son article 26 (I à III) ;
Vu le décret n° 85-1057 du 2 octobre 1985 modifié relatif à l'organisation
de l'administration centrale du ministère de l'intérieur et de la
décentralisation, notamment son article 12 ;
Vu le décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l'application du I de
l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique,
aux fichiers et aux libertés ;
Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en
date du 16 juin 2008 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :
Art. 1
Le ministre de l'intérieur est autorisé à mettre en oeuvre un traitement
automatisé et des fichiers de données à caractère personnel intitulés
EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information
générale) ayant pour finalités, en vue d'informer le Gouvernement et les
représentants de l'Etat dans les départements et collectivités : 1. De
centraliser et d'analyser les informations relatives aux personnes
physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat
politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel,
économique, social ou religieux significatif, sous condition que ces
informations soient nécessaires au Gouvernement ou à ses représentants
pour l'exercice de leurs responsabilités ; 2. De centraliser et d'analyser les
informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes
morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont
susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ; 3. De permettre aux
services de police d'exécuter les enquêtes administratives qui leur sont
confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le
comportement des personnes physiques ou morales intéressées est
compatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées.
Art. 2
Conformément aux dispositions de l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978
susvisée, et dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à la poursuite
des finalités mentionnées à l'article 1er du présent décret, les catégories
de données à caractère personnel enregistrées dans le traitement
mentionné à l'article 1er et concernant des personnes physiques âgées de
treize ans et plus sont les suivantes :
― informations ayant trait à l'état
civil et à la profession ;
― adresses physiques, numéros de téléphone et
adresses électroniques ;
― signes physiques particuliers et objectifs,
photographies et comportement ;
― titres d'identité ; ― immatriculation
des véhicules ;
― informations fiscales et patrimoniales ; ―
déplacements et antécédents judiciaires ;
― motif de l'enregistrement
des données ;
― données relatives à l'environnement de la personne,
notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes
et non fortuites avec elle. Les données collectées au titre du 1 de l'article
1er du présent décret ne peuvent porter ni sur le comportement ni sur le
déplacement des personnes. Le traitement peut enregistrer des données
à caractère personnel de la nature de celles mentionnées à l'article 8 de la
loi du 6 janvier 1978 susvisée. Celles de ces données autres que celles
relatives aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou à
l'appartenance syndicale ne peuvent être enregistrées au titre de la
finalité du 1 de l'article 1er que de manière exceptionnelle. Il est interdit
de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de ces
seules informations. Le traitement ne comporte pas de dispositif de
reconnaissance faciale à partir de la photographie. Les données
concernant les mineurs de seize ans ne peuvent être enregistrées que
dans la mesure où ceux-ci, en raison de leur activité individuelle ou
collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public. Les
données collectées pour les seuls besoins d'une enquête administrative
peuvent être conservées pour une durée maximale de cinq ans à compter
de leur enregistrement ou de la cessation des fonctions ou des missions
au titre desquelles l'enquête a été menée.
Art. 3
Dans la limite du besoin d'en connaître, sont autorisés à accéder aux
informations mentionnées à l'article 2 :
― les fonctionnaires relevant de
la sous-direction de l'information générale de la direction centrale de la
sécurité publique, individuellement désignés et spécialement habilités
par le directeur central de la sécurité publique ;
― les fonctionnaires
affectés dans les services d'information générale des directions
départementales de la sécurité publique ou, à Paris, de la préfecture de
police, individuellement désignés et spécialement habilités par le
directeur départemental ou, à Paris, par le préfet de police. Peut
également être destinataire des données mentionnées à l'article 2, dans la
limite du besoin d'en connaître, tout autre agent d'un service de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale, sur demande expresse, sous le
timbre de l'autorité hiérarchique, qui précise l'identité du consultant,
l'objet et les motifs de la consultation.
Art. 4
Le traitement et les fichiers ne font l'objet d'aucune interconnexion,
aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres
traitements ou fichiers.
Art. 5
Conformément aux dispositions prévues à l'article 41 de la loi du 6
janvier 1978 susvisée, le droit d'accès aux données s'exerce auprès de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés. Le droit
d'information prévu au I de l'article 32 et le droit d'opposition prévu à
l'article 38 de la même loi ne s'appliquent pas au présent traitement.
Art. 6
Sans préjudice de l'application de l'article 44 de la loi du 6 janvier 1978
susvisée, le directeur général de la police nationale rend compte chaque
année à la Commission nationale de l'informatique et des libertés de ses
activités de vérification, de mise à jour et d'effacement des informations
enregistrées dans le traitement.
Art. 7
Le présent décret est applicable sur tout le territoire de la République.
Art. 8
Le présent décret entre en vigueur le jour de l'entrée en vigueur du
décret n° 2008-631 du 27 juin 2008 portant modification du décret n°
91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des
renseignements généraux et du décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris
pour l'application du I de l'article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978.
Art. 9
La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales
est chargée de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal
officiel de la République française.
Fait à Paris, le 27 juin 2008.
Par le Premier ministre :
François Fillon
La ministre de l'intérieur,
de l'outre-mer et des collectivités territoriales,
Michèle Alliot-Marie
12-14 rue Charles Fourier
75013 PARIS
tel 01 48 05 47 88
fax 01 47 00 16 05
mail : syndicat.magistrature@wanadoo.fr
site : www.syndicat-magistrature.org
Paris, le 2 juillet 2008
Communiqué de presse :
« La vie des autres » avec EDVIGE
Un décret publié le 1er juillet 2008 au Journal officiel institue un
nouveau fichier dénommé EDVIGE, organisant le fichage généralisé et
systématique de « toutes personnes âgée de 13 ans et plus » « ayant
sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou
économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou
religieux significatif ». En clair, tous les citoyens ayant un jour souhaité
s’investir pour leur cité.
Il est également prévu de ficher tout individu, groupe ou organisation
dont l’activité est susceptible de troubler l’ordre public et de permettre
aux services de police d’effectuer des enquêtes administratives pour
l’accès à certains emplois ou à certaines missions, sur la base des
éléments figurant dans le fichier EDVIGE.
L’enregistrement des données à caractère personnel n’a aucune limite, ni
dans le temps ni dans son contenu, puisque pourront être répertoriées
toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement,
aux déplacements, à l’appartenance ethnique, à la vie sexuelle, aux
opinions politiques, philosophiques et religieuses, au patrimoine, au
véhicule etc….
Si le décret du 14 octobre 1991 permettait déjà aux Renseignements
Généraux de récolter et détenir des informations sur les personnes
majeures impliquées dans le débat public, EDVIGE étend
considérablement le champ des données collectables, comme les motifs
justifiant le fichage.
En effet, il s’agit aujourd’hui d’informer le gouvernement sur des
individus engagés et non plus de lui permettre d’apprécier une situation
politique économique ou sociale.
Malgré les recommandations du Conseil de l’Europe et les nombreuses
réserves de la CNIL concernant ce fichier, le gouvernement fait le choix
d’adopter un mode de recensement des populations particulièrement
attentatoire aux libertés et au respect de la vie privée.
De même que la rétention de sûreté a vocation à prévenir d’un crime
hypothétique, EDVIGE pourra avoir vocation à se prémunir contre toute
forme d’opposition.
En effet, comment ne pas rapprocher EDVIGE (on s’interrogera au
passage sur le choix d’un prénom féminin) d’un contexte autoritaire plus
global qui remet en cause l’indépendance des médias, comme celle de la
Justice, et qui mène une lutte permanente contre les acteurs du
mouvement social ?
Cette dimension nouvelle du fichage politique introduit, au prétexte
toujours bien commode de l’ordre public, un moyen puissant de
dissuasion de toute forme de contestation ou d’opposition citoyenne.
Le Syndicat de la magistrature appelle à la mobilisation contre la mise en
place de ce fichier d’inspiration anti-démocratique et examinera toute
forme d’action juridique pour empêcher sa mise en oeuvre