Blog d'information et de communication de l'Union Départementale des Syndicats CGT de la Santé et de l'Action Sociale du secteur Public et du Secteur Privé du département de la Manche (50)
Ce texte dans le journal "Challenge" du 4 octobre 2007 en
dit long sur les intentions de ce gouvernement et leur allié du MEDEF.
Denis Kessler, L’ancien n° 2 et idéologue en chef du MEDEF au côté
d’Ernest-Antoine Seillières de 1994 à 1998, apôtre du projet de
“refondation sociale” d’alors.
A vous de juger !!!!!
ADIEU 1945, RACCROCHONS NOTRE PAYS AU MONDE ! par Denis KESSLER*
Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la
Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand
temps de le réformer, et le gouvernement s’y emploie. Les annonces
successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner
une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d’importance
inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique,
régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale,
paritarisme… A y regarder de plus près, on constate qu’il y a une
profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C’est
simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans
exception. Elle est là. Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de
défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !
A l’époque se forge un pacte politique entre les gaullistes et les
communistes. Ce programme est un compromis qui a permis aux premiers que
la France ne devienne pas une démocratie populaire, et aux seconds
d’obtenir des avancées - toujours qualifiées d’«historiques» - et de
cristalliser dans des codes ou des statuts des positions politiques
acquises.
Ce compromis, forgé à une période très chaude et particulière de notre
histoire contemporaine (où les chars russes étaient à deux étapes du
Tour de France, comme aurait dit le Général), se traduit par la création
des caisses de Sécurité sociale, le statut de la fonction publique,
l’importance du secteur public productif et la consécration des grandes
entreprises françaises qui viennent d’être nationalisées, le
conventionnement du marché du travail, la représentativité syndicale,
les régimes complémentaires de retraite, etc.
Cette «architecture» singulière a tenu tant bien que mal pendant plus
d’un demi-siècle. Elle a même été renforcée en 1981, à contresens de
l’histoire, par le programme commun. Pourtant, elle est à l’évidence
complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet plus à notre
pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales,
internationales. Elle se traduit par un décrochage de notre nation par
rapport à pratiquement tous ses partenaires.
Le problème de notre pays est qu’il sanctifie ses institutions, qu’il
leur donne une vocation éternelle, qu’il les «tabouise» en quelque
sorte. Si bien que lorsqu’elles existent, quiconque essaie de les
réformer apparaît comme animé d’une intention diabolique. Et nombreux
sont ceux qui s’érigent en gardien des temples sacrés, qui en tirent
leur légitimité et leur position économique, sociale et politique. Et
ceux qui s’attaquent à ces institutions d’après guerre apparaissent
sacrilèges. Il aura fallu attendre la chute du mur de Berlin, la
quasi-disparition du parti communiste, la relégation de la CGT dans
quelques places fortes, l’essoufflement asthmatique du Parti socialiste
comme conditions nécessaires pour que l’on puisse envisager
l’aggiornamento qui s’annonce. Mais cela ne suffisait pas. Il fallait
aussi que le débat interne au sein du monde gaulliste soit tranché, et
que ceux qui croyaient pouvoir continuer à rafistoler sans cesse un
modèle usé, devenu inadapté, laissent place à une nouvelle génération
d’entrepreneurs politiques et sociaux. Désavouer les pères fondateurs
n’est pas un problème qu’en psychanalyse.